Tunisie : réflexions économiques et politiques post-révolutionnaires
Les déséquilibres sociaux et régionaux sont deux des causes principales de la récente révolution de Tunisie.
Aussi la question de la politique sociale et économique du gouvernement qui émergera de ce mouvement est essentielle.
Actuellement, beaucoup de personnes et de commentaires sont focalisés sur la fortune du clan Ben Ali – Trabelsi.
Si cette question est importante du point de vue moral et démocratique, elle l'est, malheureusement, beaucoup moins sous l'angle économique.
Il est clair que les biens et participations de ces prédateurs doivent être confisqués.
L'état tunisien peut choisir de les conserver (mais a-t-on jamais vu un état bon gestionnaire ?) ou de les vendre (mais les recettes procurées ne seront pas récurrentes).
Une autre possibilité est d'utiliser la solution qu'emploient la Norvège ou le Brésil avec leurs recettes pétrolières : créer un fond durable avec une gestion indépendante et transparente dont les revenus annuels servent à financer des dépenses sociales ou de développement.
Quoiqu'il advienne les montants ramenés à 12 millions de tunisiens ne seront pas extraordinaires. Une politique socio-économique ne peut se baser exclusivement sur cet indispensable point de justice démocratique.
Pour atténuer les déséquilibres de la Tunisie, une politique de redistribution s'impose.
Or aujourd'hui les rentrées fiscales et sociales de l'état tunisien sont faibles :
- imposition indirecte réduite et mal recouverte,
- impôts directs et cotisations sociales réduits.
Une forte taxation des riches tunisiens se justifie probablement pour des motifs moraux et politiques mais sera peu efficace économiquement. Les très riches sont peu nombreux et donc, même très taxés, ils ne pourront seuls financer la redistribution.
La solution réside dans une véritable taxation de la classe moyenne à l'instar de ce qui se pratique dans l'Europe "rhénane".
Cela devrait très rapidement poser un problème politique aigu : si la révolution a débuté dans les classes populaires des régions déshéritées, c'est la classe moyenne des grandes villes qui a conclu le mouvement.
Si cette classe moyenne, actuellement peu imposée, a obtenu les libertés civiles, elle risque rapidement d'y gagner aussi des prélèvements. L'accès à You Tube peut-il se payer en cotisations sociales ?
Si la réponse est non, c'est le soulèvement des personnes de Sidi Bouzid qui aura été vain.